À première vue, la Roumanie évoque des châteaux gothiques, la Transylvanie brumeuse et une culture à la croisée des empires. Pourtant, derrière ce décor de carte postale, un autre visage se dessine : celui d’un pays en pleine mutation économique qui s’impose de plus en plus comme un hub stratégique en Europe de l’Est. Depuis plus d’une décennie, ce membre de l’Union européenne affiche une trajectoire ascendante, bousculant les cadres traditionnels de l’économie post-soviétique. Plongée dans le profil économique d’une nation qui, lentement mais sûrement, change les règles du jeu.
Une dynamique de croissance soutenue
Avec un taux de croissance moyen d’environ 4 % par an sur la dernière décennie, la Roumanie fait partie des locomotives économiques de l’Union européenne. En 2022, son PIB a atteint près de 300 milliards d’euros, soit une multiplication par cinq depuis son adhésion à l’UE en 2007.
Mais ne nous laissons pas tromper par les chiffres seuls. Derrière cette croissance se cache un rééquilibrage structurel profond : recul du secteur agricole au profit des services (aujourd’hui près de 60 % du PIB), consolidation d’un secteur industriel innovant, et explosion du numérique. Bucarest, Cluj-Napoca et Timișoara ne sont plus seulement des capitales régionales : ce sont des incubateurs d’innovation connectés aux grandes métropoles européennes.
Un écosystème tech en pleine effervescence
Si vous êtes entrepreneur dans la tech ou investisseur en quête de pépites, la Roumanie mérite un zoom sérieux sur votre carte. Celle que certains surnomment déjà le « petit dragon de l’Est » s’est transformée en un hotspot d’initiatives digitales avec une spécialité devenue internationale : le développement logiciel.
À ce titre, le pays abrite des poids lourds comme UiPath, licorne née à Bucarest devenue leader mondial en automatisation des processus robotiques (RPA). Une success-story qui a ouvert la voie à toute une vague de start-ups ambitieuses, soutenues par un vivier de développeurs parmi les plus compétents et les mieux formés du continent.
Pour comprendre cette dynamique, il faut rappeler que la Roumanie forme chaque année près de 7 000 ingénieurs en informatique et technologies de l’information, un chiffre impressionnant rapporté à la population. Si l’on ajoute à cela un coût de la vie attractif pour les investisseurs mais confortable pour les jeunes professionnels, on obtient une formule explosive pour l’entrepreneuriat digital.
Un secteur industriel sur les rails de la modernité
L’industrie roumaine ne s’est pas contentée de survivre à la transition post-communiste ; elle s’est réinventée. Le pays est devenu un site stratégique de production pour de nombreux groupes européens, attirés par sa position géographique et une main-d’œuvre qualifiée.
Des entreprises comme Renault (à travers sa filiale Dacia), Bosch ou Continental y ont consolidé des bases robustes. L’automobile, la pétrochimie, les équipements électriques et l’aéronautique y sont en plein essor, avec un virage progressif vers « l’industrie 4.0 ».
L’exemple de la ville de Ploiești, ancien bastion pétrolier, est révélateur : aujourd’hui, elle attire des investissements dans les énergies renouvelables et les technologies propres, à mi-chemin entre héritage industriel et ambition écologique.
Un marché du travail en recomposition
Comme souvent dans les économies émergentes, la Roumanie se confronte à une double tension : d’un côté, un chômage en baisse (autour de 5 %), de l’autre, une émigration massive qui vide certaines régions de leur population active. Entre 2007 et 2017, près de 3,6 millions de Roumains ont quitté le pays, créant un paradoxe : pénurie de main-d’œuvre locale malgré une forte natalité passée.
Face à cela, le pays tente différentes approches :
- Favoriser le retour des expatriés par des incitations fiscales et des initiatives entrepreneuriales.
- Attirer des talents étrangers avec des programmes spécifiques, notamment dans les secteurs IT et médicaux.
- Rééquilibrer les infrastructures régionales pour limiter la concentration économique sur quelques grandes villes.
Un défi de taille… mais aussi une opportunité majeure pour remodeler son tissu socio-économique de manière plus inclusive et durable.
L’Europe à portée de main : attractivité logistique et géopolitique
Au cœur de l’interface Est-Ouest, la Roumanie bénéficie d’un positionnement stratégique qui séduit de nombreux logisticiens et industriels. Avec ses ports sur la mer Noire (notamment Constanța, en développement rapide), son réseau ferroviaire modernisé et ses connexions avec le corridor paneuropéen, elle devient une alternative logistique crédible en périphérie de l’UE tout en jouant son rôle d’antichambre vers l’Asie et le Caucase.
La guerre en Ukraine a d’ailleurs mis en lumière son importance géopolitique, accélérant les discussions autour d’infrastructures de transport renforcées et d’une meilleure intégration avec les économies voisines.
Tourisme et transformation urbaine : un levier inattendu
Si j’évoque souvent les grandes métropoles comme vecteurs d’innovation, leur impact sur l’économie nationale va bien au-delà des chiffres. Prenons Cluj-Napoca, que j’ai parcourue l’an dernier lors d’un voyage d’étude : métamorphosée en dix ans, cette ville universitaire vibre au rythme des startups, des festivals culturels et d’initiatives citoyennes urbanistiques dignes de Copenhague.
Le tourisme urbain et naturel sert de catalyseur à cette transformation. Des Carpathes aux monastères de Bucovine, la Roumanie mise sur un tourisme durable, renforcé par l’émergence de structures hôtelières éthiques et de circuits alternatifs. Un secteur qui pèse aujourd’hui près de 5 % du PIB et ne cesse de monter en puissance dans la stratégie nationale de développement.
Défis persistants et regards vers l’avenir
Tout n’est pas rose dans le paysage économique roumain, bien sûr. La corruption reste un frein à une totale transparence des affaires, bien que des avancées notables aient été réalisées ces dernières années grâce à des institutions renforcées et une vigilance citoyenne accrue.
Les inégalités régionales, elles, tracent encore une frontière nette entre l’Ouest dynamique et l’Est plus rural, souvent laissé à la traîne. L’enjeu est désormais de penser une croissance « pleine », plus équitable, où les fruits de la modernisation irriguent l’ensemble du territoire.
Autre point à surveiller : la dépendance énergétique et les tensions internationales. Mais là encore, la Roumanie semble avoir appris de ses voisins : elle investit massivement dans les énergies renouvelables, notamment l’éolien offshore et le solaire, et explore des pistes dans le nucléaire nouvelle génération avec l’appui des États-Unis.
Pourquoi les entrepreneurs devraient garder un œil sur la Roumanie
Ce pays encore trop peu présent dans les radars des business européens recèle de vraies opportunités pour les entreprises qui savent lire entre les lignes. Il combine agilité institutionnelle, avantages fiscaux, ressources humaines qualifiées et stratégie d’ouverture vers l’Europe comme vers l’Asie.
Plus encore, il incarne cette Europe de demain qu’on appelle parfois de nos vœux sans la nommer : une Europe volontaire, innovante, enracinée dans ses cultures locales mais ouverte sur le monde. Celle qui ne se contente pas de suivre le mouvement, mais qui construit à sa façon une voie propre vers la prospérité.
Alors, la prochaine fois qu’un projet d’implantation ou une envie d’expansion vous traverse l’esprit, posez-vous cette question : et pourquoi pas la Roumanie ?